jeudi 18 juin 2020

365 DNI réalisé par Barbara Bialowas et Tomasz Mandes


Synopsis :
"Massimo est membre de la mafia sicilienne et Laura est directrice des ventes. Cette dernière ne se doute pas de ce qui l'attend lors d'un voyage en Sicile destiné à sauver son couple : Massimo la kidnappe et lui donne 365 jours pour qu'elle tombe amoureuse de lui."

Acteurs :
Anna-Maria Sieklucka, Michele Morrone, Mateusz Lasowski...

Alors doc, verdict ?
Adapté du dark erotica éponyme commis par l'autrice polonaise Blanka Lipinska, 365 DNI est un pur produit du XXI ème siècle. C'est tapageur, vulgaire, hypocrite, violent, simpliste mais en plus, ça n'assume pas.

Pourquoi c'est tapageur ? Parce que ça place le pognon en tête de gondole pour justifier l'injustifiable. Parce que ça dégouline de brillant, de paillettes (Kévin, t'es hors jeu), de corps huilés dignes d'une téléréalité tchèque.
Pourquoi c'est vulgaire ? Parce que ce film, c'est l'équivalent d'un manspreading de 2 heures. Un étalage de gros connard jambes écartées, doté de tous les clichés machistes, misogynes et grossiers.
Pourquoi c'est hypocrite ? Parce qu'on a un mec qui séquestre une femme mais ne veut pas passer pour le violeur de service. Alors il exige qu'elle se donne (de toute façon, elle n'a pas le choix), et en profite pour la tripoter parce qu'elle en a sûrement envie. Non ? Non. Après si, mais là, non.
Pourquoi c'est violent ? Parce que non, un petit sourire satisfait du devoir accompli après une fellation agressive n'efface pas l'absence de consentement clairement exprimé. Parce qu'enlever, séquestrer et peloter sous contrainte, c'est un crime passible d'une peine de prison. Ce n'est pas de l'amour, c'est juste une version romantisée du Silence des agneaux. À propos, même si ça renvoie une image passionnelle, attraper par le cou ce n'est pas un geste affectueux, c'est une démonstration de domination, et en plus, ça fait mal (testé, non validé). Et quand mon chat fait la même chose avec une clé de patte, il cherche juste à me signifier quelque chose de désagréable (change ma litière, connasse/esclave !).

Tu respires, non ? Alors arrête de te plaindre !

Pourquoi c'est simpliste ? Parce que rien n'est approfondi en matière psychologique, que l'univers dépeint est totalement factice. On sent les lacunes derrière l'esbroufe à paillettes ; celles d'une autrice inculte (merci la scène d'intro professionnelle totalement débile) qui use de facilités en récupérant toutes les idées déjà publiées en dark erotica, mais qui n'a même pas pris la peine de se documenter sur le syndrome de Stockholm. Ce récit, c'est l'archétype de l'enfilage de perles.
Pourquoi ça n'assume pas ? Parce que malgré le trope du mec qui kidnappe une femme pour obtenir des faveurs sexuelles, ça n'assume pas la pornographie du scénario. Ce n'est pas que je sois une pousse au viol, mais écrire sur un tel sujet en évitant l'acte dès lors qu'il ne concerne QUE l'héroïne, envoie un message nuisible et pas du tout crédible. L'anecdote de l'épisode "hôtesse de l'air", écrit pour glorifier l'hypersexualité agressive du héros accentue le malaise. Il sous-entend qu'une figurante mérite d'être traitée comme une décharge publique et renforce l'idée qu'en dehors de l'héroïne, l'état naturel d'une femme se réduit à glory-hole sur talons de 12. Classe.

J'ajoute qu'expliquer en quoi le pays d'origine de l'autrice influence sa vision de l'amour n'excuse pas la complaisance toute premier degré d'une production à visée internationale. Qu'on n'ait pas la même culture de la sexualité ou de ce qui est acceptable dans une relation amoureuse est un fait. L'Europe réunit des conceptions différentes voire antinomiques en la matière. Cela devient gênant quand on présente cela comme le summum de la passion.

Oui, ce film participe activement à la culture du viol puisqu'il romantise une relation abusive et fait passer un psychopathe pour le prince charmant 2.0. Un pote du fameux Christian, sans aucun doute.
Mais...
Doit-on pour autant jeter l'anathème sur une fiction qui relève clairement du fantasme ? Ne serait-ce pas un peu hypocrite de cracher sur le film en ayant conscience de son trope chelou ? Curiosité malsaine, quand tu nous tiens...
Et puis on ne peut nier la popularité du fantasme de viol sans remettre en question la notion de fantasme elle-même. Or chez celui qui le nourrit, le fantasme de viol n'est rien d'autre que le désir de faire perdre tout contrôle à son crush parce qu'on est exceptionnel.le. Cela agit comme un booster d'ego. Cela ne signifie pas que l'on cautionne le viol ou la violence dans la vie réelle.
C'est la raison pour laquelle mon opinion sur cette œuvre est assez ambivalente. Si le principe du fantasme est acceptable, le traitement littéraire et cinématographique complaisant ne l'est pas.

Parlons du film (un peu, quand-même).
Je m'attendais à un jeu d'acteur pitoyable. Sans surprise, les comédiens sont caricaturaux à souhait même s'ils ne sont pas non plus irregardables. Certes, Michele Morrone sublime le stéréotype du bellâtre musculeux suintant la violence. L'acteur (très sexy au demeurant) a sûrement fait frétiller les spectatrices en mal de petite frappe torse poil(s). Quant à la ravissante Anna Maria Sieklucka, si son visage de poupée capte parfaitement la lumière, son duck-face maniéré s'est vite avéré pénible. Un peu comme son jeu mono-expressif. Pour résumer, on a une pétasse à moustache qui se regarde rouler des mécaniques et une limande botoxée fan du petit air satisfait. Soit deux personnages adeptes de la démarche féline au ralenti (moi, ça me rappelait un peu les zigzags sur chaussures à bascule de mes jeunes années mais on va encore me traiter d'alcoolique).

Mais je reconnais qu'on peut difficilement nier l'alchimie entre les deux acteurs, ils s'accordent plutôt bien dans le genre beaux à voir sans activer le son. La tension sexuelle est bien restituée, loin des coquineries aseptisées au gel hydroalcoolique proposées par les américains. J'y ai été d'autant plus sensible que le film s'adresse clairement à un public féminin, et que les prises de vue focalisées sur l'acteur plongent par procuration la spectatrice au cœur de l'action. Chaud ! J'ai lu ici et là que les scènes de sexe étaient pornographiques. Alors je ne sais pas si Mon curé chez les nudistes peut être considéré comme tel, mais il faudrait revoir la définition. Car de parties génitales, il n'y a point. Je le sais, j'ai tout passé au ralenti. Oui. Au ralenti. Plan par plan. Putain, y a rien qui dépasse. En revanche, la gestuelle plus "franche" du coup de reins (et vive l'école du mime avec des pipes marteau-piqueur) relève bien de l'esthétique porno. Ceci dit, en tant qu'adulte pas vraiment prude, ça m'a un peu gonflée d'être privée de full frontal. Halte à la censure, on veut mater des micro-pénis, nous aussi !

Laura, penche la tête sur le côté, steuplaît, c'est pour vérifier un truc...

Et sinon...
J'ai buté sur le couple improbable de Laura et son ex Martin (la caricature du gros beauf). Aussi crédible que Megan Fox en ménage avec Édouard Balladur, l'analyse du couple est totalement à côté de la plaque tant l'héroïne le méprise. Pourquoi rester avec ça ? Pour le sexe ? Nan, il préfère mater le foot à la télé. Pour son humour ras-le-caniveau ? Mais bien-sûr... Pour le pognon ? Bingo (et hop, analogie avec les putes d'Europe de l'Est) ! Bref. J'ai aussi buté sur les épisodes shopping (spéciale dédicace à Pretty Woman avec la musique entraînante et les multiples essayages) tellement malvenus dans un contexte dramatique qu'ils semblaient issus d'un autre film. À moins de chercher à confirmer combien les polonaises étaient des garces vénales, je n'ai pas bien compris l'enjeu de ces scènes qui semblaient hors sujet. Incompréhension culturelle ? Mouais. J'ai aussi buté sur le dîner aux chandelles aux dialogues ridicules, sur les fausses tentatives d'évasion, sur l'inconsistance des personnages secondaires, et j'ai eu envie de buter Massimo environ 1253 fois...

En revanche, d'un point de vue esthétique, c'est beau, bien filmé, bien cadré, bien éclairé, bien décoré, bien musiqué.

En bref, du faux porno glamour avec un petit côté addictif honteux qui affole le monde. Merci Netflix.
Point positif, ça permet un entraînement intensif des globes oculaires.

Verdict : Moins explicite qu'un porno.

PS : y a que moi qui trouve que l'actrice ressemble fortement à Kate Beckinsale sur l'affiche (et là, tout le monde scrolle vers le haut pour revoir l'affiche) ?