Après
quelques mois d’existence et une audience restée ultra
confidentielle jusqu'ici, le blog a récemment connu une brusque
flambée des visites, juste après avoir reçu son premier scud d'un
auteur (pas content, le monsieur, pas content du tout). Je suppose donc que l'article incriminé a été partagé, commenté, démonté ou raillé, même si Blogger ne permet pas à ses utilisateurs un visuel sur ces partages.
La
cause ? Un avis négatif sur une de ses nouvelles.
Étrangement,
de nombreux auteurs imaginent qu’une fois écrite, leur histoire va
convenir à tout le monde, et se montrent alors désarmés lorsqu’ils
obtiennent des retours négatifs. L'attaque retour s'imposant à eux comme la solution la plus évidente, on en arrive à des dramas (polémiques sur des sujets souvent futiles, mais qui peuvent avoir des conséquences fâcheuses, suivant l'ampleur du mouvement).
Dans un monde équitable, qui juge l'œuvre d'autrui, accepte de voir son avis jugé en retour.
Adepte de ce principe, il m’a paru légitime de voir débarquer l’auteur, venu défendre son travail (bien qu'en lisant ses interventions, j’hésite encore sur l’idée maîtresse de son argumentaire. Cherche-t-il à me convaincre de m'être fourvoyée, ou que je ne suis qu'une sombre conne juste bonne à analyser la presse people - très divertissante, ceci dit - et m'en tenir au rôle de ménagère décérébrée ?).
Dans un monde équitable, qui juge l'œuvre d'autrui, accepte de voir son avis jugé en retour.
Adepte de ce principe, il m’a paru légitime de voir débarquer l’auteur, venu défendre son travail (bien qu'en lisant ses interventions, j’hésite encore sur l’idée maîtresse de son argumentaire. Cherche-t-il à me convaincre de m'être fourvoyée, ou que je ne suis qu'une sombre conne juste bonne à analyser la presse people - très divertissante, ceci dit - et m'en tenir au rôle de ménagère décérébrée ?).
Pourtant,
à une époque de plus en plus frileuse, où chaque faux-pas est
susceptible d’occasionner une mise à mort virtuelle, nous aurions
tendance à apposer une montagne d’avertissements pour justifier
nos goûts, notre état d’esprit, et parfois même, nous en
excuser. Le but d’un tel usage étant d’éviter de froisser
gratuitement les susceptibilités au profit d'un bon mot, et plus
sérieusement, de ne pas impacter les ventes. C’est d’ailleurs
pour cela que ma page d’accueil rappelle que les opinions exprimées
sur ce blog relèvent d’un seul individu, et ne se transforment pas
en règles immuables. Par ailleurs, je me suis toujours attachée à
distancier la personne de son œuvre. Je ne mâche pas mes mots, mais je ne m'en prends qu'aux mots de l'autre, pas à sa personne.
Le paradoxe, c'est qu'en devenant trop consensuels, nous avons perdu en degré d'exigence et en esprit incisif.
Le paradoxe, c'est qu'en devenant trop consensuels, nous avons perdu en degré d'exigence et en esprit incisif.
Alors
soit.
Redevenons
des blogueurs en accord avec nos convictions, assumons-les. S’il
faut prendre des coups de bâton pour soigner l’ego malmené d’un
auteur, nous les recevrons avec grâce et élégance (ouais, ouais,
c'est ça, loool !). Et au détour de cette petite crise d’humilité,
nous continuerons à penser tout le bien d’en voir dégringoler
d’un piédestal tenu pour acquis, ou de percer leur petite bulle de
vanité, en leur apprenant que personne ne fait l’unanimité.
En
langage zombie ça donne : Peeeersonne...
Jaaaamais... Cerveaaaau...
Bref.
On
peut entendre le mot critique
comme un terme générique, permettant d’évaluer, juger,
apprécier, analyser, commenter, chroniquer, etc. une œuvre. Il est
vrai que c’est plus souvent le sens négatif (blâmer, fustiger)
que l’on retient.
L’actualité du blog ayant relancé l’éternel conflit entre blogueur et auteur, il m’a semblé pertinent de développer la version négative d’une critique.
L’actualité du blog ayant relancé l’éternel conflit entre blogueur et auteur, il m’a semblé pertinent de développer la version négative d’une critique.
Ou
l’équilibre compliqué entre honnêteté intellectuelle et Qui
veut gagner un bad buzz…
Pratique
très à la mode en ce moment, le bad buzz est souvent orchestré par
ceux (producteurs/éditeurs, auteurs/réalisateurs) qui cherchent à
vendre un produit artistique en jouant sur son aspect sulfureux. Mais
pour que la mayonnaise prenne, il faut un public réceptif, tout prêt
à suivre les petits cailloux scrupuleusement laissés à son
attention.
Dans
le cas de la littérature, le nombre de sorties mensuelles est
énorme. Cette surproduction, de moins en moins raisonnée, oblige
les éditeurs/auteurs à adopter une promotion plus agressive (si
c’est à moindre coût, c’est encore mieux). Actuellement,
envoyer un service-presse hors des thèmes de prédilection du
blogueur, c’est la garantie d’un carnage assuré (encore faut-il
qu’il prenne le temps de le lire). Au départ de la vague, il y a
donc une personne, qui jette intentionnellement le roman en pâture.
Procédé discutable, mais hautement efficace. À la réception, on a un blogueur mal préparé, qui n'a pas forcément les éléments de langage ou l'envie de lire ce type de roman. À l'arrivée, on a une chronique épidermique de rejet, qui selon la notoriété du blogueur, est susceptible de déclencher un tsunami. La curiosité créée
autour d'une critique assassine lui amène souvent un lectorat plus
étendu que prévu.
Appuyer
là où ça fait mal ne doit pas être synonyme de honte, lorsqu'on prétend
chroniquer honnêtement.
La
mauvaise critique a une vocation d’avertissement. Pour gagner ses
lettres de noblesse, elle ne peut se contenter d’un « c’est
trop pas bon ». Elle se doit d’être un minimum approfondie,
réfléchie, argumentée. La question de l’objectivité est plus
compliquée à déterminer, surtout dans un domaine qui fait
essentiellement appel aux sensations individuelles.
Si on ne peut empêcher les émotions d’orienter un avis (après
tout, une œuvre est censée en procurer), on doit garder la tête
suffisamment froide pour analyser tous les éléments proposés. De
nombreux blogueurs utilisent une grille d’évaluation ou prennent
des notes en cours de lecture. En s'appliquant à rendre un avis le plus complet possible, on y gagne en crédibilité. Il ne suffit pas de cracher son humeur pour être écouté.
Un peu comme
à la cantine.
Au
lieu de dire « j’aime pas les choux de Bruxelles »
(réponse : on s’en fout, mange !), dire « je
n’aime pas les choux de Bruxelles parce que leur goût est trop
amer » (on s’en fout aussi, mais il y a une explication).
Chroniquer
un livre, c’est pareil. On explique, on défend son point de vue.
Bref, on JUSTIFIE. Il arrive qu’on croise un : « j’aime
pas les choux de Bruxelles parce que je ne mange que de la viande ».
En gros, je n’aime pas/ne lis pas ce genre-là. Sous-entendu :
« je pars avec un a priori défavorable. À toi, Œuvre, de me
faire changer d’avis ».
Après
tout, le blogueur peut évoluer. Ses goûts sont légitimes, ils sont la conséquence d’un vécu, d’une culture, d’un
degré de tolérance et de curiosité, [qu’on ne saurait remettre en
question sans passer pour un cuistre incapable de faire ce travail d'introspection...]. Mais rien n’est figé dans le
marbre, un lecteur (qui est peut être le blogueur) peut se familiariser avec un genre grâce au "bon" roman, celui qui aura les clés compatibles avec sa sensibilité. Cette œuvre peut
rendre poreuses les barrières érigées initialement par ce lecteur.
Pourquoi
la chronique à charge recueille-t-elle une si mauvaise presse ?
Associé
au profil de la grande gueule désagréable (dont certains
influenceurs tirent une
petite fierté), dire du mal, c’est d’une certaine façon,
renvoyer une image peu flatteuse de soi. C'est voir le verre à
moitié vide. C’est associé à la méchanceté, à l’envie de
nuire, à l’aigreur, etc.
Toutefois,
je n’adhère pas au principe du silence lorsqu’une œuvre a
déplu. On reproche suffisamment aux blogueuses de romance leur
complaisance envers des partenaires éventuels, pour comprendre tout
l'intérêt d'une chronique nuancée ou franche du collier.
De
plus, les réseaux sociaux ont fait tomber bien des barrières, dont
celles qui marquaient le territoire de chacun. Aujourd’hui, le lecteur
cherche la proximité avec son auteur favori (avec l'impression
d’être intégré à son entourage privilégié, ou de faire partie
de sa garde rapprochée). Quant à l’auteur, c’est le contact
direct avec sa fan-base qui l’intéresse, car elle se montre
bienveillante et encourageante. Le problème, c’est qu’en gommant
certaines frontières, j'ai le sentiment qu'on a empêché
l’artiste de prendre du recul sur son œuvre. On lui en parle sans arrêt, il espère des retours de plus en plus importants, et ne s'en détache jamais réellement. Dès lors, chaque
remise en question de son travail devient une attaque contre sa
personne.
Or en tant que lectrice, je ne suis pas là pour ménager la susceptibilité d’un artiste. On m’a vendu une œuvre, j’en attends quelque chose. En littérature, on appelle ça le contrat de lecture. Si le contrat n’est pas respecté, le lecteur a le droit d’en faire part, dans le respect de certaines conventions sociales. Cet avis, s'il n'engage que celui qui le donne, n'en reste pas moins un avertissement, et propose un autre angle de lecture.
Or en tant que lectrice, je ne suis pas là pour ménager la susceptibilité d’un artiste. On m’a vendu une œuvre, j’en attends quelque chose. En littérature, on appelle ça le contrat de lecture. Si le contrat n’est pas respecté, le lecteur a le droit d’en faire part, dans le respect de certaines conventions sociales. Cet avis, s'il n'engage que celui qui le donne, n'en reste pas moins un avertissement, et propose un autre angle de lecture.
Mais
alors, que risque-t-on à critiquer une œuvre ?
Si
ce n’est que l’œuvre, ma foi, pas grand-chose, en dehors des
menaces de damnation éternelle (des promesses, toujours des
promesses...), à condition de prouver ses griefs. Justifiez, argumentez, prouvez !
On ne le répètera jamais assez.
À
partir du moment où on attaque le créateur, on risque de tomber
dans la diffamation. La frontière est mince. Souvenons-nous de la
condamnation en 2014 d'une blogueuse ayant vertement critiqué un
resto (en fait, elle s'en était pris aux employés).
Et ceux qui ne parviennent pas à faire la différence entre une attaque ad hominem et une attaque ad personam sont gentiment invités à consulter Google et le petit Schopenhauer illustré.
Et ceux qui ne parviennent pas à faire la différence entre une attaque ad hominem et une attaque ad personam sont gentiment invités à consulter Google et le petit Schopenhauer illustré.
Comment gérer l'intervention de l'auteur ou de ses fans lorsqu'on a partagé sa déception sur son blog ?
Il me semble que la courtoisie est indispensable. En malmenant une œuvre, on a déjà salement touché une personne. Cela ne sert à rien d'envenimer les choses en accentuant l'ambiance agressive, même s'il y a des limites à ne pas dépasser [quand on cherche à m'écraser de son mépris aussi répété qu'absurde, on me trouve]. Mais rien n'empêche d'ouvrir le débat lorsqu'on sent la discussion possible. En bloguant, nous sommes pleinement acteurs du jeu des réseaux sociaux, il me paraît donc indispensable de permettre un droit de réponse à celui qui le requiert. Parfois, il s'agit simplement d'une incompréhension, qu'un échange plus développé peut lever. Cela ne veut pas dire qu'il faut revenir sur sa chronique pour en ôter tous les points litigieux. S'ils nous posaient un problème lors de la lecture, cela veut probablement dire que le texte n'a pas su faire passer le bon message. Mais si l'échange se passe dans le respect mutuel, on peut toujours user de tournures moins abruptes.
Au
final, une chronique négative, ça sert à quoi ?
Je
ne sais pas vous, mais moi, quand je cherche des avis sur un livre ou
un film, je lis souvent ce qui s’en dit de mal. Bien-sûr, ça a un
petit côté mesquin, voyeur. Ce n’est pas beau, ce n’est pas
moral, ce n’est pas bienveillant, mais c'est la réalité.
Si j'étais gentille et élevais des licornes, ça se saurait.
Si j'étais gentille et élevais des licornes, ça se saurait.
De
façon plus pragmatique, lister les qualités sans occulter les
défauts d’une œuvre est un bon moyen d’en évaluer le contenu.
Une sorte de pré-tri facile. C'est aussi un gage de crédibilité,
au sein d'un milieu, qui a vite fait d'endormir les velléités
d'indépendance en proposant des partenariats. Les livres coûtent de
plus en plus chers, la tentation de se les faire offrir en échange
d'une petite chronique toute joyeuse arrive plus vite qu'on ne croit
sur la table des négociations...
Ça
peut aussi servir. À l'auteur comme à son équipe. On peut toujours
s'améliorer. Une critique bien rédigée est une forme de conseil.
Encore faut-il avoir assez de recul sur son œuvre pour être en
mesure d’en tirer un enseignement.
Apprendre
de ses erreurs, ne jamais rien prendre pour acquis, tolérer la
liberté d'expression chez autrui, autant d'épreuves sur le chemin
de l'auteur, et qui valent aussi pour le blogueur.
Voilà
à quoi sert une critique négative selon moi.
Voilà
aussi pourquoi elle me semble indispensable.