jeudi 28 septembre 2017

LA LOUVE ET LA CROIX de S.A. Swann


4ème de couverture
"An de grâce 1221
Au coeur des Carpates, frère Semyon von Kassel, chevalier de l'ordre, court comme s'il avait le diable aux trousses. Une bête mi-homme mi-loup, a décimé ses compagnons. Grâce à lui, l'Église va en faire une arme à son service pour terroriser les païens. Or l'un de ces loups-garous, une fille nommée Lilly, réussit à s'échapper et trouve refuge auprès d'un paysan qui fera tout pour la protéger des Templiers... mais aussi d'elle-même. Car si le jeune homme ne parvient pas à percer les ténèbres de son âme, il sera sa prochaine victime..."

Alors, doc, verdict ?
Avant tout, je tiens à démentir les rumeurs quant au genre dans lequel ce roman s’inscrit.
CE N’EST PAS DE LA BIT-LIT ! (bordel !)
Et encore moins l’ancêtre de Twilight.

(Spoilons un chouïa)
Oui, parmi les thèmes abordés dans ce roman, on trouve une histoire d’amour et un métamorphe.
Sauf que l’aspect sentimental n’est pas le point central autour duquel s’articule le scénario. Quant à la nature de la bête, elle ne relève ni d’une création magique ni d’une malédiction.

D’entrée de jeu, nous sommes plongés au cœur de l’action, sur les traces d’une bête sanguinaire qui vient de ravager les rangs d’un ordre teutonique. Poursuivi par un chevalier de l’ordre de l’Hôpital Sainte-Marie-des-Allemands de Jérusalem (dites-le dix fois de suite pour rigoler), le monstre va s’avérer bien plus complexe que prévu.

S.A. Swann a situé son roman au XIIIème siècle. La christianisation des peuples d’Europe du Nord se poursuit, et les régions nouvellement converties comme la Prusia (Prusse =territoire étendu sur l’Allemagne, la Pologne et la Lituanie) en ressentent encore les effets dans leur chair meurtrie et leur vie spirituelle.

J’ai été frappée par le style « vivant » de la narration qui donne du rythme et un ton réaliste au récit.
Bien que ce roman s’inscrive dans le genre fantastique, le travail de documentation est palpable sans être rébarbatif. Cela nous permet de nous immerger dans cette époque âpre et sans concession, où les serviteurs de Dieu étaient loin de prêcher le message de paix du Christ. L’Église était toute-puissante, et ses membres aussi respectés et craints que le jugement du Seigneur lui-même.
Une bien belle bande de sadiques fanatisés...

Cette vision sanglante de l’époque n’est pas sans rappeler une autre œuvre littéraire ; la saga des Enfants du Graal de Peter Berling.
Pour établir un parallèle avec l’actualité et l’histoire moderne, ce règne de l’obscurantisme nous renvoie aux nombreux conflits modernes où la religion tient le rôle principal. Rien n’est plus facile que de retomber dans l'obscurantisme. À ce titre, je l’ai trouvé très instructif et bien plus épouvantable que les exactions de la bête.

J’ai beaucoup aimé le côté « chroniques de la vie paysanne », bien que cela reste survolé, ainsi que les scènes entre l’Ordre et l’Église qui cristallisent le pouvoir du spirituel sur le temporel. Le livre confronte aussi la « pureté de croyance » de ces soldats à la corruption et l'avidité des ecclésiastiques.

L’aspect sentimental est vraiment secondaire, toutefois, il humanise les échanges sans tomber dans le sirop ou le pathos. Ça reste sobre, tout en étant le seul élément lumineux, un vecteur de rédemption.

Mine de rien et sous couvert de fiction, ce roman permet donc de s’interroger sur la légitimité de la violence quand on se prétend du « côté du bien ». La double lecture divertissement/réflexion, fonctionne parfaitement. Le roman semble plus dense, plus profond, sans pour autant renier son côté « roman de genre ».

Bien écrit, bien documenté, bien travaillé, c’est une belle découverte qui se lit très vite.

BRAGELONNE
416 pages

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